Rodolphe regarde toutes ces merveilles

   Rodolphe regarde la grande verrière du dirigeable géant qui flotte au dessus des territoires de la Germanie. Pour échapper à ses questions trop nombreuses, Anselme est parti chercher plus de détails sur la suite du voyage. Finalement il revient. Le Grand dirigeable traverse la Germanie vers le nord est, il s'arrêtera à Potsdam puis à Berlin et il fera un grand crochet vers Hambourg. On pourra visiter la ville. Rodolphe écoute les paroles de ce jeune garçon, en apparence, car dans la réalité il éclaire enfin sa lanterne sur tout un tas de sujets restés vagues dans sa tête. Rodolphe voit qu'il agace Anselme mais ça ne fait rien, il veut savoir la vérité, la vérité vraie, celle qui le tenaille depuis si longtemps. Rodolphe interroge:

                         « Mais »

                   Anselme le coupe:

                         « Tais-toi et regarde cette merveille, elle devrait suffire à répondre à tes questions ! »

                  Rodolphe repart à l'attaque:

                         « Mais le capitalisme de l'ancienne Allemagne n'a pas dû lâcher si facilement ? »

                  Anselme se sent obligé de satisfaire sa curiosité:

                         « Bon, l'ancienne Allemagne était capitaliste mais, contrairement aux autres pays capitalistes, elle n'a jamais vraiment colonisé les autres pays plus pauvres. Elle a toujours travaillé dur et elle ne doit rien à personne.

         Enfin, 17 millions de ses habitants ont vécu une forme très « grossière » et «non démocratique» d'un socialisme imposé par Moscou. Après la chute « spontanée » de ce régime en 1989, elle a applaudi sa réunification mais a fini par regretter de plus en plus certains aspects de ce socialisme sécuritaire et respectueux de la condition humaine à l'intérieur du territoire « est allemand ». C'est de là, que partira, dès le début du XXI è siècle, un grand vent de socialisme et de changement dans tout le reste de l'Allemagne d'alors. Pendant ce temps un grand nombre de pays, comme la France, se montreront incapables de changer en faisant triompher la justice, ces pays vont sombrer dans le moyen Age. L' Allemagne mettra en place ces changements inimaginables ailleurs !! Évidemment en Germanie aujourd'hui, l'automation et le rendement permettent à tout le monde d'avoir un revenu confortable déjà sans pratiquement travailler à partir du moment où on a un code moral qui tient la route ! »

             Rodolphe n'en revient pas de toutes ces merveilles, la petite communauté communiste où il vit paraît plus étriquée à côté.

                          « Oui, je vois ce que tu penses Rodolphe, mais crois moi, ta petite communauté est tout de même plus tranquille. Les gens se connaissent mieux et on est tout près du bon dieu » dit Anselme.

                  Le dirigeable LUFTTRAUM traverse l'ancienne Allemagne en direction du nord est, en respectant ce couloir réservé au transport aérien. Il s'apprête à faire une halte au dessus de la ville de Potsdam. Il faudra y débarquer deux personnes et pour ça, le dirigeable frôlera le sol. Il en profitera pour embarquer huit passagers désireux de se rendre dans la capitale. Mais pour le moment, le gros dirigeable continue son périple en perdant de l'altitude, ce qui rend l'observation des villes et des campagnes encore plus palpitante. Et Rodolphe continue à regarder toutes ces merveilles, ce mélange magnifique du confort moderne et de la nature. Il questionne:

                 « Mais c'est splendide, génial toutes ces voix de communication avec des véhicules hyper-souples, rapides et confortables en zéro pollution et zéro bruit ! Pourquoi les anciens de jadis n'y ont pas pensé ? C'est tellement plus simple à mettre en œuvre ? »

             Anselme rétorque:

                  « Mais les anciens étaient traumatisés par le fric et leurs situations personnelles, ils ne pouvaient pas envisager une seconde de remettre en cause tous les équilibres financiers bâtis à la hâte sur leur religion à l'époque: l'argent, le pétrole, les pétrodollars, les dividendes, les loobbyistes OGM et agro-alimentaires, les trusts de l'industrie automobile polluante et triomphante ! Le fric, encore le fric, toujours le fric»

            Rodolphe s'énerve:

                   « Mais il faut les condamner tous ces criminels, leur demander des comptes, quand on voit tous ces millions de morts aujourd'hui avec tous les dérèglements climatiques, toutes ces bombes à retardement qui, aujourd'hui, éclatent et tuent des centaines de gens chaque jour ! »

         Anselme précise:

                     « Mais tu sembles oublier que ces gens sont morts aujourd'hui. Comme beaucoup de voyous ils ont profité des opportunités, de l'ignorance, de la faiblesse, de la pauvreté, ont vécu comme des nababs sans se poser la moindre question sur l'avenir de notre planète ! Puis ils sont morts avec les honneurs sans que jamais on ne leur demande le moindre compte sur la moralité de leurs pouvoirs et richesses accumulées ! La Germanie organise de grands procès aujourd'hui, mais ce sont les descendants de ces grandes familles qui doivent rendre des comptes. En fait, c'est très discutable car on part toujours du principe (probablement vrai) que ces descendants auraient agi de la même façon si la grande débâcle n'avait pas eu lieu ! Pourtant il existe toujours un risque d'exception et la grande Germanie refuse de condamner un innocent. C'est très compliqué ! »

            Rodolphe fusille du regard Anselme:

                    « Mais qu'on les condamne, je m'en moque des erreurs judiciaires. Et tous ces innocents morts alors qu'il n'ont rien fait ! Faut arrêter d'avoir des scrupules pour ces familles nanties et riches et pourries ! De toute façon, ces gens sont dangereux, ils sont persuadés qu'ils sont supérieurs aux autres, ils pensent que c'est génétique ! Pour eux tous ceux qui n'ont pas réussi sont des minables à écraser comme des insectes, on le sait. Il faut être impitoyable avec ces gens-là. Pas de cartier ! »

             Anselme sourit:

                      « Bah je vois que tu es bien remis de ton accident d'avion. Il n'y a plus de soucis à se faire. »

          Rodolphe continue à rêver en regardant les villes et les campagnes défiler très lentement sous le dirigeable LUFTTRAUM dont les structures vibrent en douceur avec les hélices des six moteurs qui propulsent, sans bruit et sans nuisance, ce voyage de rêve au dessus d'une Germanie magnifique et prospère. Rodolphe découvre ce monde de rêve basé sur le calme, la douceur, l'art de vivre en harmonie avec une nature totalement réconciliée. En phase avec l'homme nouveau, qui a décidé de ne plus combattre la nature, mais de vivre en osmose avec elle.

             Du coup, Anselme explique:

                      « Les nouveaux talents et les nouvelles sensibilités dans ce monde, ça n'est plus la médecine ou les bagarres juridiques ou la guerre. Mais plutôt le jardinage, la peinture, la musique, l'art en général. D'une manière générale, tout ce qui peut contribuer à faire vibrer et à destresser entre dans le cadre de cet urbanisme incroyable »

              Rodolphe acquiesce, cet habitat qu'il avale littéralement avec ses yeux ! Il ne perd absolument rien de tout ce qu'il voit ! Il est hypnotisé par tant de calme et de beauté ! Tout à coup, il est retiré de son rêve, il entend Anselme qui lui traduit une demande incompréhensible dans cette langue « rugueuse » et « gutturale », il faut venir manger ! Rodolphe se lève comme à regret mais reste bloqué car le dirigeable amorce sa descente sur Potsdam. Le Grand paquebot des airs est tellement descendu que son ombre dessine son élégante coque sur les visages effarés et plein de surprise de tous ces gens sortis de leurs habitations pour aller admirer le géant des airs, le « rêve aérien », savent-ils seulement la chance qu'ils ont de vivre dans ce grand pays, à l'époque actuelle ? Finalement Rodolphe quitte la verrière et se dirige vers son plateau repas avec le pic rouleau et les flacons, les idées pleins la tête !