Anna Myslie observe le chancelier
avec visiblement une joie dissimulée. Un des personnages les plus
importants du pays vient maintenant la voir régulièrement, surtout
depuis le début de la crise Française. Il n'a pas droit à l'erreur
et Anna le sait. Depuis le début de cette affaire elle fait son
maximum, elle « amplifie » ses intuitions pour essayer
d'en tirer un meilleur parti. Elle donne son maximum pour aider son
chancelier car elle sait qu'elle peut sauver des vies et faire
prendre au monde socialiste une meilleure direction en évitant bien
des embuches. Mais le chancelier semble toujours tracassé par le
même problème, comment obliger les troupes de Sarkpoléon à
prendre la mer avec le moins de victimes possibles ?
La contre-offensive n'a pas eu lieu.
Privée de sa couverture aérienne, après la destruction complète
des « aigles britanniques », l'armée sarkpoléonienne
attend là, près de la ville du Havre et sa présence, pose un
véritable problème aux forces solidaires qui ne se sentent pas
vraiment en sécurité. Les Français ont soif de liberté, de
tranquillité et de travail. Or les généraux ont fait comprendre au
chancelier que, seule la force, la violence même fera partir cette
armée. Mais pour ça il faut une raison, et pour le moment on ne
peut rien leur reprocher. Qu'en pense ma voyante préférée ?
Anna Myslie sourit, il faut
reconnaître que jusqu'à maintenant, ses voyances avisées sont
devenues précieuses, voir indispensables à tous !
Mais Anna ne sourit plus du
tout, son air devient brusquement sombre et terrifiant. Le chancelier
s'inquiète, il interroge, il se penche:
« Que
voyez-vous, dites moi, je vous en prie ? »
Anna ferme les yeux, puis son
regard est effrayant;
« C'est un
piège, rien n'est vrai dans tout ça »
Le chancelier reprend ses
esprits:
« C'est,
c'est quoi ? »
« Comment ça
? »
Anna fixe le chancelier, elle
observe le chandelier sur l'étagère, capte de ondes et se concentre
fortement. Les replis autours de ses paupières deviennent saillants.
Une angoisse sourde envahit la pièce. Ici en Germanie, on a perdu
l'habitude des coups de poignards dans le dos et du mensonge
institutionnalisé à tous les étages. Ici on recherche la vérité,
l'authentique, le constructif. Dès qu'on se retrouve avec des
« magouilles » et de la « menace voilée »,
on s'affole, on a pas l'habitude et on déteste. Dans ce socialisme,
on a appris à découvrir la valeur humaine dans la confiance et la
solidarité du plus grand nombre, sans compter !
« L'affaire
Française est-elle pourrie ? » Demande alors le chancelier
très inquiet, qui du coup, s'inquiète de tous les sacrifices
consentis par les états Germanistes, si ça se trouve, en pure
perte.
Mais Anna ne répond pas
tout de suite, elle ne veut pas décourager les bonnes volontés mais
elle veut aussi être objective et réaliste. Or la réalité n'est
pas toujours celle que l'on veut. Il y a quelque chose de pourri en
France et ce n'est que maintenant qu'Anna vient de le sentir ! Pourvu
qu'il ne soit pas trop tard.
Elle lance avec son air
triste:
« Le vrai
corps d'armée n'est pas là, vous avez tout placé au Havre, ce
n'est pas là qu'ils sont, ils vont attaquer directement ailleurs et
très vite »
Le chancelier n'a rien
compris:
« Où ? »
Anna répond:
« Les
bateaux qui sont partis depuis quinze jours, ne sont pas partis, ils
sont revenus vers la Charente maritime, ils sont plus bas sur les
côtes Françaises dans les landes, à différents endroits, dans des
lieux discrets. »
Le chancelier donne des
instructions immédiates à son directeur de cabinet pour agir
immédiatement.
Le chancelier demande:
« Mais où ? »
Ils vont remonter vers la
Loire, très rapidement, en pleine nuit, puis iront directement à
Paris, avec des moyens très importants. Le gouvernement provisoire
va se retrouver à Paris entre deux feux. Ces hordes
Sarkpoléoniennes vont avoir le soutien de tout un tas de nervis
collabos partout en France, prêts à en découdre pour retrouver
leurs privilèges. Je vois 400 000 hommes et un matériel
gigantesque.
Le chancelier est abasourdi:
« Mais les Français du
sud n'ont rien vu ? Rien dit ? Rien entendu ? »
Anna lève les bras d'un air
d'impuissance !:
« Il y a toujours eu
une rivalité stupide entre les Français provinciaux et leur
capitale »
Le chancelier demande:
« Combien de temps ? »
Anna lance vingt quatre heures
avant le début des hostilités, je vois en ce moment, 48 000 hommes
supplémentaires armés d'explosifs qui vont couper toutes les voies
de communication et isoler l'ile de France du reste du pays !
Le chancelier se rend brutalement
compte de la gravité de la situation. Paris en ce moment fait la
fête et on se refuse à un quelconque alarmisme. Tout le monde danse
et s'amuse de la liberté retrouvée, la France se trouve sur un
volcan prêt à exploser! Personne ne le sait. Ça va être un
massacre !
Le chancelier bondit sur son
téléphone, et fonce vers les voitures. Tout le monde remercie Anna
pour ses mises en garde mais a-t-on encore le temps d'agir ?
Le chancelier prend une ligne
directe avec le gouvernement provisoire à Paris, il explique que
c'est très grave puis il renforce encore la garde rapprochée
autours de la maison de sa voyante. Les Mercedes finissent par
démarrer en trombe et une situation d'urgence est décrétée pour
la France.