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15 février 2010

Gavroche

        Gavroche est un coursier très rapide qui sillonne  la capitale de ce qui fut la république de la France pendant très longtemps. Il se promène dans les grands axes parisiens avec ses rollers très rapides et son sac à dos. Il a toujours une course à faire, un pli important, un objet conséquent. Personne ne fait vraiment attention à lui. C'est ce qui fait sa force. Il n'a pas son pareil pour traverser Paris à des vitesses stupéfiantes au nez et à la barbes des factions qui tiennent faubourgs et quartiers les armes à la main. Pendant qu'elles s'entretuent et que le peuple se barricade pour rester en vie, Gavroche se promène et fait la pluie et le beau temps.

         Il connait les boulevards et les rues comme sa poche. Il n'a pas vraiment de souci immédiat, lorsqu'il s'arrête, c'est pour un peu de nourriture, de repos ou un service à rendre. Il sait tout faire et il est partout apprécié.

         Ça fait un bon quart d'heure qu'il a quitté le quartier détenu par les factions de la « garde de la communauté solidaire et durable » qui contrôlent les 12 è, 13è et 14è arrondissements sous l'autorité du chef des factions, Ritou dans tout le sud-est parisien avec son siège dans le palais omnisport de Bercy et son quartier général à Montreuil. Le chef des factions, un homme bâti comme un charretier, gros et bourru qui mâche de gros mégos mal éteints et réutilisés dans son cendrier d'un culot d'obus de 75 récupéré et qu'il rallume de temps, il ne mâche pas ses mots en tout cas. Des jurons sortent de sa bouche à chaque bouffée de fumée. Mais il sait qu'il peut compter sur l'appui et la logistique de la Grande Germanie, qui a envoyé un matériel important, à quelques kilomètres à l'est. C'est la raison pour laquelle, Sarkpoléon tarde à donner l'assaut final.

          Ritou se bat contre l'avance des troupes réactionnaires de Sarkpoléon qui, solidement implantées sur l'ouest parisien, compte bien reconquérir, arrondissements après arrondissements tout l'est et le sud. Il sait qu'il ne va pas tenir longtemps, il a besoin de faire alliance avec les communards de l'an II, plus au nord, implantés dans les 17è, 18è et 19è arrondissements où il doit maintenant veiller au grain avec les troupes d'élite et les anciennes banlieues rouges.

          Mais Sarkpoléon, bien renseigné,  a envoyé des troupes d'élite et des commandos armés dans tout le 20è arrondissement pour faire reculer le fanatique musulman Abdoul Khalim qui faisait régner la terreur dans ces quartiers. En réalité, il a profité de cette action approuvée par une population terrorisée pour empêcher toute possibilité de jonction entre les deux factions communautaires. Il est pratiquement impossible de tenter quoi que ce soit entre la rue de Belleville au nord et le cours de Vincennes au sud. Voilà comment un despote réussit à asseoir sa dictature en tirant partie des violences de minorités et d'arguments populistes vieux comme le monde. Toute la place de la nation est bloquée, Sarkpoléon a donné ordre de tirer à vue.

         Gavroche parti des quais de Bercy et de la Rapée ce matin tôt, a frôlé le danger en empruntant le boulevard Morland qui se rapproche des troupes du dictateur en direction de la place maudite. Il a emprunté des ruelles plus calmes et il a pu atteindre la place des Vosges enfin. Il est rapidement reparti par la rue de Turenne et il fait maintenant une petite pause place de la république qui est contrôlée par le chef religieux Sénèque, pris en sandwich entre les communards au nord, Sarkpoléon à l'Ouest et à l' Est, Ritou et ses forces solidaires et durables au sud. Sénèque est un caméléon, il fait alliance avec le plus fort. Son problème, c'est qu'il ne voit pas qui est le plus fort. Alors, il retourne sans arrêt ses habits de moine.

         Il se contente de changer la couleur, bleu quand Sarkpoléon avance, rouge quand les communards remportent une victoire. De toute façon, les moines contrôlent les 11è, 10è et le 3è et comptent les points dans l'église St Laurent où ils ont pris l'habitude de se réunir. Finalement Gavroche fonce dans le boulevard Magenta où il peut observer attentivement toutes ces voitures abandonnées de l'ancien temps sur le bord des trottoirs. Partout, des milices patrouillent , les factions s'observent et tirent. La lutte entre le bien et le mal n'a jamais été aussi intense qu'aujourd'hui. Il y a dans ce qui reste de la capitale de cette très ancienne république agonisante mais qui n'a jamais capitulé devant les tyrans, des gens qui se battront toujours pour leur liberté et le progrès.

        Gavroche découvre tous ces gens qui adulent leur voitures du passé. Certains les entretiennent, en font des mausolées dans les petites ruelles. D'autres les décorent. Depuis la fin du pétrole et la Grande débâcle, quelques personnalités riches arrivent à mettre un carburant devenu ruineux, d'autres fabriquent des liquides de substitution pour les faire rouler. Gavroche arrive à slalomer entre ces tombeaux de fer et de verre avec ses rollers. Certaines de ces voitures sont belles et font l'objet d'attentions toutes particulières. Telle cette magnifique Citröen, fierté d'un passé révolu, classée monument historique avec son histoire et un panneau publicitaire sur le dessus.

        Un peu plus loin, ce splendide semi-remorque Mercedes, gardé jalousement par une milice armée et décoré avec des peintures et des panneaux publicitaires impressionnants. Le propriétaire de ce véhicule énorme n'est autre que le Baron, propriétaire aussi du cabaret Lola qui fait salle comble tous les soirs. Il a réussi, le mois dernier, a acheter du carburant liquide en quantité suffisante pour que ce camion, hyper-gourmand, fasse un tour dans Paris. Du coup les affichages publicitaires sur ses flancs rapportent cent fois plus. Il n'est pas impossible que ce géant refasse un tour la semaine prochaine.

        Puis d'autres ont eu les moyens d'électrifier leur voiture, en remplaçant le moteur à explosions. Gavroche en voit rouler qui ne font aucun bruit. Finalement Gavroche ne tarde pas à rejoindre le Boulevard Barbès, celui qui est le plus riche à regarder. Il n'est plus très loin du chef des communards. Il y découvre tous ces attelages tirés par des chevaux, tous ces marchands ambulants qui vous courent après pour « graisser les roues de vos rollers » disent-ils. Certains attelages tirent des morceaux de voitures du passé. On a coupé le moteur, enlevé les parties capricieuses et gardé les sièges et le confort. Arrivé au boulevard d' Ornano, Gavroche peut admirer tous ces cycles et bicyclettes qui jonchent le pavé parisien. Et les milliers de miséreux qui s'accumulent le long des façades et sous les porches. Il sait qu'il doit rouler très vite et feinter, s'il ne veut pas se faire « bloquer » et détrousser.

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  • Fiction politique et futuriste, dans 300 ans. Après l'effondrement de notre système actuel, les nouveaux rapports humains, les nouvelles valeurs de l'humanité, les rapports de force dans le monde. Personnages principaux : une voyante et des aventuriers,
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