Le grand Prêcheur se sert de la falaise

  Le Grand Prêcheur ne s'est jamais autant approché de la falaise,  il est parti avec plusieurs soldats de dieu du camp retranché. Chacun débroussaille, coupe et avance pour aborder la falaise par un autre versant beaucoup plus favorable. Ils marchent depuis des heures et le Grand Prêcheur éprouve de plus en plus de mal à conserver toute sa lucidité face à cette gigantesque masse de gélatine ! Plus l'équipe se rapproche, plus les soldats vomissent,  se bourrent de tranquillisants pour affronter du regard cette chose inconcevable que l'on appelle Sponge ! La falaise a déjà recouvert de nombreux arbres et il est clair que, malgré les comprimés, ces tentacules qui attaquent ouvertement des arbres nous font tous tressaillir d'horreur ! D'ailleurs c'est clair, sans les comprimés et la préparation psychologique, on serait déjà paralysé  !

  Finalement, le chef du camp retranché, présent dans la petite expédition, devine petit à petit les véritables intentions du Grand prêcheur religieux, qui ne sont pas du tout de lutter contre la falaise et son avancée, mais bel et bien de baliser un parcours comparable à un petit boulevard dans le bois pour permettre le passage aisé de plusieurs cavaliers musulmans en furie prêts à tuer, dans le but évident que tout le monde s'enfonce dans le piège de la peur, de la paralysie et de la folie avec, autant que faire ce peu,  une possibilité de retraite pour les quelques fanatiques qui pourraient crier leurs frayeurs de ce qu'ils ont aperçu sur le territoire à protéger ! En cela, l'équipe du Grand Prêcheur fait un boulot superbe avec les moines et tous ces soldats de dieu morts de trouille ! D'autant que, pour que ça marche, il faut dégager le plus prêt possible des premières tentacules et là, les soldats manquent souvent à l'appel !

     Finalement, on entends des cris,

                 « Ça vient de là » Nous dit un éclaireur

                 « Par ici » Lance un autre affolé devant l'horreur de ce qu'il a aperçu !

     En suivant promptement les indications, on retrouve un soldat en train de se débattre contre une énorme tentacule qui l'a saisi et l'attire inexorablement vers la falaise toute proche. Le pauvre diable a beau se débattre, rien n'y fait ! Les cris se font de plus en plus pressants, et personne ne peut agir tant les nombreuses tentacules variées guettent un peu partout le moindre imprudent. Le Grand Prêcheur religieux en convient et ça, c'est la bonne nouvelle ! A la vue du misérable qui se fait « slurper » par une énorme bouche gélatineuse se refermant définitivement sur lui en étouffant ses cris devenus inaudibles, et ça c'est la mauvaise nouvelle, plus personne ne veut désherber et couper les branches à proximité de cette maudite falaise !

  Au bout d'un quart d'heure, le Grand Prêcheur promet un écus d'or à celui qui dégagera totalement la zone proche des tentacules clairement visibles et menaçantes au bout de ce chemin royal vers l'enfer !

  Finalement ce sont les plus pauvres et les plus désargentés qui se dévouent et qui vont probablement mourir, ce qui est logique dans cet ordre religieux hérité de la Grande débâcle du capitalisme, avec les pires dérives et les pires cauchemars imaginés par l'homme riche, dominant et triomphant qui ne résout pas les problèmes, mais qui montre sa force avec son pouvoir de l'argent, en faisant toujours des victimes innocentes, sans jamais rien résoudre d'ailleurs !  Il ne faut pas attendre bien longtemps pour qu'une deuxième victime, puis une troisième soient à leur tour « slurpées » dans une indifférence coupable généralisée ! La scène n'est vraiment pas belle à voir, la tentacule  chaque fois, doit s'y reprendre à plusieurs fois, car nos pauvres victimes utilisent leurs dernières forces en s'accrochant à tout, buissons, arbustes, racines, mêmes les griffes dans la terre et souvent ça prend plusieurs minutes avant l'agonie finale !

      Mais les travaux de défrichage à l'intérieur du bois ne s'arrêtent pas là ! Le Grand Prêcheur demande maintenant que l'on reprenne de la partie la plus délicate, celle comprenant de nombreuses tentacules, un sentier plus étroit mais permettant un couloir étroit pour la retraite des chevaux sur une seule colonne. Cette petite plaisanterie supplémentaire qui va durer facilement encore trois heures finira avec trois pauvres bougres phagocytés ! Finalement on a un grand boulevard  tout droit où la masse gélatineuse n'est visible qu'au dernier moment ! Et c'est bien cela que le Grand Prêcheur religieux voulait obtenir dans son « piège ». Par l'intermédiaire du sentier de repli à une seule colonne, notre petit monde, enfin ce qu'il en reste après le festin de Sponge reprend le chemin de la sortie de la forêt où la masse gélatineuse n'est absolument pas perceptible ! Et c'est bien cela la force de ce plan d'enfer ! Tout le monde épuisé et transpirant par la trouille subie plutôt que par le travail rentre en vomissant continuellement et de toutes ses entrailles !

      Notre petite expédition ressort de la forêt et se dirige vers le camp. Tout le monde va pouvoir dire ce qu'il a sur le cœur en racontant toutes les horreurs perçues ! Beaucoup n'oublieront jamais ce qu'ils ont aperçu aujourd'hui et ne rêvent que d'une chose, une bonne soupe et un bon lit. Finalement c'est Ludovic qui accueille l'expédition à l'entrée du camp. Il dirige le Grand Prêcheur religieux vers un homme totalement survolté qui lui annonce tout de go:

              « Ça y est, ils sont en route Monseigneur ! »