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9 février 2010

Margaret

   Margaret vit dans l'ancienne ville de Londres, elle parcourt les berges de la Tamise entre King William street et Tower Bridge. Depuis plusieurs années, elle surveille les désespérés privés de toute subsistance qui se jettent du pont de King William. Deux à trois fois par jour, on ramasse, avec son équipe, les corps en train de se noyer pour les amener à l'hôpital tout proche, le Guy's hospital. Mais bien souvent ce sont des corps sans vie que Margaret fait convoyer pour la morgue à deux pas. Il n'est pas question, dans ce pays ruiné par un puissant esprit individualiste et plein de fastes seigneuriaux, de tolérer la moindre considération envers les nécessiteux. D'ailleurs, des nécessiteux il n'y en a pas, on les laisse se jeter dans la Tamise. Ça va plus vite et ça coûte moins cher.

 

       Aujourd'hui est une journée faste pour Margaret, on repêche un cinquième cadavre dans l'indifférence généralisée. Margaret a appris à se blinder contre les états d'âme. Comme elle dit toujours, il y a les gens bien nés et les autres. Ceux-là, vaut mieux qu'ils en finissent rapidement. Les larmes sont inutiles et coûteuses. Dans notre monarchie, un penny est un penny ! On ne le gâche pas. Dieu a choisi les siens et personne ne cherche à comprendre cette gigantesque loterie. Les choses sont certainement voulues par nos riches seigneurs de la guerre. Ce soir, on allumera un autre grand bûcher, on brûlera ces corps aussi inutiles que laids.  Même si l'on sait que nos concitoyens riches qui s'entretuent dans des combats fratricides coûtent à chaque fois de quoi nourrir des milliers de ces malheureux pendant des années, la guerre est devenue un art de vivre, une façon de se hisser au dessus des autres, une manière de se sublimer et de jouer les gros bras. C'est même un folklore local.

 

       Toutes les conversations tournent autours de la victoire du Seigneur Mortimer, qui a fait mordre la poussière au renégat Miller autour de Londres ! Des fastes et des fêtes impressionnantes sont données dans la grande ville pour fêter la victoire de Lord Mortimer ! Il y en a pour une fortune à chaque fois. Mais c'est ainsi, des quintaux de nourriture arrivent en véhicules hippomobiles, beaucoup sera jetée et des milliers de malheureux tenteront les balles du service d'ordre pour risquer d'en manger les restes. Ce jour là, Margaret travaillera toute la nuit ! Il y aura des dizaines de corps à emporter. Jusqu'à ce que, une certaine activité règne sur la Tamise. Margaret constate qu'il y a du monde  autour du croiseur qui a servi de musée jusqu'à avant la grande panique. Ce bateau de guerre avait été totalement oublié de tout le monde. Et maintenant des équipes se relaient continuellement par péniches, amenant matériels et hommes sur place.

       Les jours suivants, l'activité devient plus intense. Le Belfast n'est plus un musée mais un bâtiment opérationnel de la marine royale britannique. Tient donc. Un périmètre de sécurité est établi autour du vaisseau. Des hommes de la « Home Guard » sont dépêchés sur place. Des pièces très importantes parviennent sur le site avec une péniche atelier qui accoste directement contre la coque. Margaret s'occupe de près ou de loin des activités sur la Tamise. Mais même elle n'a pas pu savoir ce qui se passe au sujet de ce vieux bâtiment historique au départ un musée et bombardé navire amiral de la Royal Navy ! Elle voudrait bien en savoir un peu plus mais il semble que le secret soit bien gardé. Des équipes travaillent nuit et jour, avec un matériel toujours plus abondant.

 

        Puis Margaret commence à se forger une opinion en apercevant une péniche citerne remplir les réservoirs , ! Là plus de doute possible ! Pour elle le vieux Belfast va reprendre du service, où ? Comment ? pourquoi ? Ça fait un moment que les pirates sévissent en mer mais de là à dépêcher un tel bâtiment ? C'est que ça doit être sérieux, il a dû y avoir de la casse ! Ils ont du attaquer en masse avec de gros dégâts. Puis elle voit le lendemain en première page du journal « the truth » la photo du cuirassé Germanique qui, parait-il, menace directement les côtes britanniques. Sur la deuxième page, on aperçoit une photo où le monstre tire un obus. Mais comme il n'est aucunement précisé l'objectif de ce tir, le simple quidam qui ne réfléchit pas trop en conclut que les britanniques sont attaqués ! D'autant que les pavillons au sommet du grand mât ne font aucun doute sur cet ennemi redoutable ! En fait elle apprend par la suite que ce bateau ne fait que sécuriser l'ancien pays France, totalement à la merci des sectes et des pirates.

 

       Sa certitude devient évidente au bout d'une semaine lorsqu'à l'étonnement de tous, on entend les grondements des machines du vieux croiseur ! Puis on apprend que dans deux jours, le Belfast va quitter Londres pour rejoindre la mer où, officiellement, il tournera un documentaire sur le passé historique de la « Royal Navy » ! Mais à la lecture des journaux, la pression populaire s'accentue et on attend que notre vaillant croiseur s'attaque à l'ennemi Prussien en Manche ! Enfin un peu d'action, et les esprits guerriers si puissants s'échauffent. Une semaine plus tard, la montée en puissance du Belfast ne passe plus inaperçue ! Son départ est acclamé sur la Tamise avec des hourras de joie.

 

       On attend que le vieux croiseur montre les dents. Il a été fraîchement repeint et ses 187 mètres sont impressionnants sur ce fleuve où les plus grands bateaux n'atteignent pas 60 mètres. Un aviso retrouvé à la hâte le suit de très prêt, donnant une petite flotte avec cinq vedettes rapides qui ouvrent la marche. C'est la puissance du royaume qui retrouve des couleurs, enfin ! Margaret se fraie un passage dans toutes ces berges noires de monde. Arrivée sur le doc, elle a l'impression d'un grand vide. C'est le croiseur qui à laissé ce trou béant dans le paysage. Elle s'était attachée à ce vaisseau qui lui était devenu si familier depuis trente ans.

 

       Finalement elle le préférait avant, quand il s'endormait et qu'on ne lui cherchait pas querelle. Maintenant, si ce croiseur se retrouve nez à nez avec ce monstre rugissant prussien, on peut redouter le pire. Margaret éprouve une profonde tristesse. Les hommes ne sont pas capables de garder sans abîmer. Ce sont des idiots. La nuit commence à tomber, tout le monde est parti se coucher. Margaret s'est achetée un livre sur les grandes batailles navales du passé. Les grandes machines de guerre du XIXè et du XXè siècle y sont représentées. Elle va pouvoir retrouver, avec un peu de chance, son croiseur préféré qui dormait là tranquillement jusqu'à ce qu'on l'emmène au casse-pipe!!

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  • Fiction politique et futuriste, dans 300 ans. Après l'effondrement de notre système actuel, les nouveaux rapports humains, les nouvelles valeurs de l'humanité, les rapports de force dans le monde. Personnages principaux : une voyante et des aventuriers,
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